Prologue (vers 32 )
TOURNEBOULE
Dis-moi, m'aimes-tu ?
GALOPIN
Oui par Poseidon le cavalier !
TOURNEBOULE
Non, non, pour moi, pas de cavalier !
Car ce dieu est la cause de mes malheurs1.
Mais si tu m'aimes vraiment de tout ton cœur,
mon enfant, obéis.
GALOPIN
T'obéir ? De quoi s'agit-il ?
TOURNEBOULE
Change au plus tôt de comportement,
et va prendre des leçons où je t'indiquerai.
GALOPIN
Parle, qu'ordonnes-tu ?
TOURNEBOULE
Et tu obéiras?
GALOPIN
J'obéirai, par Dionysos.
TOURNEBOULE
Regarde de ce côté.
Vois-tu ces petites porte et maison ?
GALOPIN
Je vois ; qu'est-ce donc mon père ?
TOURNEBOULE
Des âmes habiles c'est le philosophoir.
Là habitent des hommes qui, en paroles,
te persuadent que le ciel est un couvercle-éteignoir
qui nous entoure, et nous, des braises.
Ils enseignent, si on leur donne de l'argent,
à gagner les procès justes ou injustes.
GALOPIN
Qui sont-ils ?
TOURNEBOULE
Je ne sais pas exactement leur nom.
Des méditophilosophes, nobles et honnêtes.
GALOPIN
Oh ! je sais ! Des types défectueux. Des vagabonds.
Tu parles de teints jaunes, de va-nu-pieds,
dont Socrate le maudit et Chéréphon.
TOURNEBOULE
Hé ! Hé ! Tais-toi! ne dis pas de sottises.
Si tu te préoccupes du blé paternel,
deviens pour moi l'un d'eux, et laisse tomber l'équitation. (...)
GALOPIN
Et qu'est-ce que j'apprendrai pour toi ?
TOURNEBOULE
Ils disent chez eux qu'il y a deux explications :
la plus puissante et la moins puissante.
La seconde des explications, la moins puissante,
ils disent qu'elle gagne des procès injustes.
Donc si tu apprenais pour moi cette explication injuste,
de toutes les dettes que j'ai à cause de toi,
je n'en rembourserai pas un sou à personne.
La parodos2 (vers 275)
LE CHŒUR
Intarissables nuages,
levons nous, visibles, mouvante rosée,
de l'océan notre père au bruit profond,
jusqu'aux cimes des hautes montagnes,
aux cheveux d'arbres, ainsi
nous regarderons les sommets lointains
et la terre sacrée qui arrose les fruits
de l'eau des fleuves saints et sonores,
et la mer au grondement retentissant.
L'agôn3 (vers 365)
SOCRATE
Ceux-ci4 sont les seuls dieux, tout le reste est bavardage.
TOURNEBOULE
Allons, par la terre, notre Zeus Olympien n'est pas dieu ?
SOCRATE
Quel Zeus ? Tu délires ! II n'y a pas de Zeus.
TOURNEBOULE
Que dis-tu ? Et qui pleut ? (...)
SOCRATE
Ce sont eux ; et moi, je te l'enseignerai par de grandes preuves.
Voyons, où, en effet, as-tu jamais vu pleuvoir sans nuages ?
Car il faudrait alors que lui pleuve par ciel bleu, pendant que ceux-ci voyagent.
TOURNEBOULE
Par Apollon ! Tu l'as bien démontré avec ton explication moderne.
Avant, je pensais que Zeus pissait dans une passoire.
Mais explique qui tonne, ce qui me fait trembler.
SOCRATE
Ils tonnent en roulant.
TOURNEBOULE
Comment, toi qui oses tout ?
SOCRATE
Lorsqu'ils sont remplis de beaucoup d'eau et obligés de bouger,
obligatoirement, ils chutent pleins de pluie ; puis, lourds,
ils se tombent dessus, se brisent et patatrassent.
TOURNEBOULE
Ce n'est pas Zeus qui les obligent ? Pour qu'ils bougent ?
SOCRATE
Pas du tout, mais un tourbillon5 céleste.
TOURNEBOULE
Un tourbillon ? Cela m'avait échappé :
pas de Zeus mais la royauté moderne d'un tourbillon.
mais tu ne m'a rien enseigné du patratras et du tonnerre.
SOCRATE
Tu ne m'as pas entendu te dire que les nuages pleins d'eau
qui se tombent dessus patatrassent à cause de leur densité ?
TOURNEBOULE
Tu veux me faire croire ça ?
SOCRATE
Je te l'enseignerai par ton propre exemple.
Tu t'es déjà rempli de soupe lors d'une fête, puis tu as été remué
dans le ventre et un tumulte l'a fait crépiter tout à coup.
TOURNEBOULE
Oui, par Apollon, j'ai mal aussitôt et je suis remué,
de sorte qu'un tonnerre patatrasse de soupe et le mal vocifère,
d'abord doucement, pataprout, pataprout, puis plus fort patapataprout,
et quand je chie, tout à fait du tonnerre, patapataprout, comme eux.
La parabase6 (vers 520)
LE CORYPHÉE7
Spectateurs, je vous dirai librement
le vrai, par Dionysos8, qui m'a élevé.
J'espère gagner9 et avoir la réputation d'homme habile,
comme, je pense, vous, vous êtes un public ingénieux ;
et la plus habile de mes comédies
je vous l'ai fait gouter les premiers, elle qui m'a donné
beaucoup de travail. (...)
Voyez comme elle est naturellement habile, la première qui
n'est pas venue avec une bite de cuir cousue
rouge au bout, grosse, pour faire rire les enfants.
Elle ne s'est pas moqué des chauves, elle n'a pas dansé nue.
Pas de vieux qui dit ses vers et avec un bâton
frappe son partenaire pour cacher ses blagues défectueuses.
Elle n'est pas entrée avec des torches en criant : Iou ! Iou !
Mais elle s'est avancée confiante en elle et en ses vers.
Et moi je suis un poète sans prétention et je ne cherche pas
à vous tromper en servant deux ou trois fois le même spectacle,
mais j'en apporte toujours des nouveaux de mon invention,
différents les uns des autres et tous ingénieux.
Notes
1 Tourneboule est endetté à cause de la passion de son fils pour les chevaux. Il cherche à ne pas rembourser ses créanciers.