Térence, Phormion : vers 24 à 222        

Déposé par Isabelle Quéré           Contacter

Le Phormion est la pièce qui a inspiré les Fourberies de Scapin. Traduction des élèves latinistes du collège Modigliani (Paris XV) et du lycée Anita Conti (35) en 2013.

ANTIPHON: jeune homme

PHAEDRIA : jeune homme

DAVE : Esclave

GETA : esclave

PROLOGUE

Maintenant, soyez attentif à ce que je veux vous dire : j’apporte une nouvelle

comédie que les Grecs appellent Epidicazomenon,

les Latins l’appellent Phormion,

parce que celui qui jouera le rôle principal sera Phormion,

un parasite, par qui l’action sera principalement jouée,

si vous vous montrez bienveillants à l’égard du poète.

Concentrez-vous, écoutez, calmement et silencieusement,

afin que nous n’ayons un sort pareil à celui

que nous avons déjà eu quand notre troupe a dû quitter le théâtre, au milieu du tumulte,

théâtre que nous a restitué la valeur de l’acteur, avec l’aide de votre bonté et de votre sérénité.

SCENE 1

DAVE : Mon grand ami et compagnon Geta,

hier est venu me voir (Il avait un reste d’un petit compte,

depuis longtemps, chez moi, un crédit

de quelques pièces) pour que je le réunisse ; je le réunis, je lui apporte.

Car, j’entends dire que le fils de son maître a pris

une épouse ; je pense que c’est pour elle que l’on récupère la somme.

Comme c’est injuste ! c’est toujours ceux qui ont

le moins d’argent qui augmentent la fortune des riches !

Ce que l’homme a épargné à grande peine sur son pécule

en trompant sa faim, le malheureux,

elle dérobera tout, sans se douter

ne serait-ce que d’une partie de son travail. Mais plus tard, Geta

sera frappé d’une autre charge lorsque la femme aura accouchée ;

et après cela d’un autre, à chaque anniversaire,

lorsqu’ils l’initièrent : toutes celles de la mère s’ajoutèrent à cela,

l’enfant sera prétexte à cadeaux. Mais n’est-ce que pas Géta que je vois ?

SCENE 2

GETA, DAVE

GETA : Si un rouquin vient me demander…

DAVE : Le voici ; arrête.

GETA : Oh ! J’allais à ta rencontre, Dave.

DAVE :Prends, tiens. C’est du bon. C’est le compte de que je te devais.

GETA : Je t’aime, et je te suis reconnaissant de ne pas avoir oublié.

DAVE : Surtout vu les moeurs de nos jours. On est venu à ce point

que quand un homme paye ses dettes, il faut lui en savoir gré.

Mais pourquoi es-tu triste ?

GETA : Moi ? Tu ne sais pas dans quelle crainte et dans quel péril nous sommes ?

DAVE : Qu’est-ce que tu veux dire ?

GETA : Tu le sauras, seulement si tu es capable de te taire .

DAVE : Va donc, ignorant !

Tu m’auras fait confiance à propos d’histoire d’argent,

tu crains de me confier des paroles ? Et quel profit aurais-je

à te tromper dans cette affaire.

GETA : Alors, écoute !

DAVE : Je suis tout ouïe.

GETA : Dave, tu connais, Chrémès, le frère aîné duvieux maître

qui est le nôtre ?

DAVE : Oui, pourquoi ?

GETA : Et son fils, Phaedria ?

DAVE : Comme je te connais.

GETA : Il s’est trouvé que les deux vieillards, en même temps,

sont partis en voyage, l’autre est à Lemnos et le nôtre est en Cilicie,

chez un ancien hôte. Par des lettres, le vieux

a été attiré, lui promettant presque des montagnes d’or.

DAVE : A lui qui en a déjà tant et plus ?

GETA : Laisse : c’est sa nature.

DAVE : Oh, moi j’aurais dû être le patron !

GETA : Or, les deux vieux, en partant, auprès de leurs enfants

me laissèrent en tant que gouverneur.

DAVE : Oh, Geta, tu as reçu une difficile mission.

GETA : J’en ai fait l’expérience : je sais.

M’est avis que j’ai été laissé là à cause de la colère de mon génie.

J’ai d’abord commencé à m’opposer… Mais à quoi servent les paroles ?

Tandis que je suis fidèle au vieillard, j’ai exposé mon dos aux coups.

DAVE : C’est ce qui m’est venu à l’esprit ; car c’est une absurdité

de résister.

GETA : J’ai commencé à tout faire, à me soumettre à ce qu’ils voulaient.

DAVE : Tu as su faire ton marché.

GETA : Notre jeune maître n’a d’abord rien fait de mal : ce Phaedria

a trouvé immédiatement une jeunette joueuse

de cithare ; il s’est mis à l’aimer éperdument.

Elle était au service d’un maquereau ignoble,

et n’avait rien à donner ; les pères y veillaient.

Il ne restait rien d’autre qu’à la regarder,

à la suivre, la conduire à l’école, et la ramener.

Nous, désoeuvrés, nous tenions compagnie à Phédria.

En face de l’école où elle étudiait,

il y avait une boutique de barbier. C’est là que nous avions l’habitude

la plupart du temps de l’attendre, jusqu’à ce qu’elle rentre à la maison.

Comme noue étions assis ici, arrive un jeune homme en larmes. Etonnés,

nous lui demandons ce qui lui arrive. « Jamais, dit-il,

je n’ai trouvé de fardeau aussi lourd et pénible que la pauvreté.

Je viens de voir une jeune fille qui habite dans le voisinage,

malheureuse, qui se lamente sur le mort de sa mère.

Celle-ci était exposée en face d’elle, ni une bonne âme, ni une connaissance,

ni un voisin, à l’exception d’une vieille femme,

personne n’était là pour l’aider aux funérailles. Quel malheur !

Cette jeune fille a un visage magnifique. » Que faut-il dire ?

Il nous a tous bouleversés. Soudain Antiphon dit :

« Veux-tu que nous allions la voir ? » un autre : « D’accord :

allons-y : conduis-nous, s’il te plait. »

Nous allons, nous arrivons, nous voyons.

C’était une belle jeune fille et on le dirait d’autant plus

que rien ne mettait en valeur sa beauté :

les cheveux ébouriffés, les pieds nus, négligée,

en larmes, une tenue pitoyable : si la force de sa bonté

n’avait pas été à l’intérieur de sa beauté, cela aurait éteint sa beauté.

Celui qui aimait cette joueuse de lyre se contente de dire :

« Elle est assez jolie » ; mais le nôtre…

DAVE : Je le sais déjà :

il est tombé amoureux.

GETA : Sais-tu à quel point ? Ecoute où il en est.

Le lendemain, il se rend tout droit chez la vieille : il la supplie

de lui faciliter les choses avec elle. Elle refuse

et elle dit que ce n’est pas juste d’agir ainsi : la jeune fille est originaire d’Athènes,

une personne bien née de gens bien ; s’il la veut en mariage,

il doit le faire selon la loi : s’il agit autrement, elle refusera.

Notre jeune homme ne sait quoi faire :

à la fois, la prendre pour épouse, il le désirait,

à la fois il craignait son père absent.

DAVE : S’il était revenu, le père n’aurait-il par donné son accord ?

GETA : Il donnerait à son fils une fille sans dot et sans parents ?

Jamais il ne le ferait.

DAVE : Et que se passe-t-il ensuite ?

GETA : Que se passe-t-il ? Il y a un certain parasite, Phormion,

un homme audacieux : que tous les dieux le détruisent !

DAVE : Qu’a-t-il fait ?

GETA : Il a donné ce conseil que je vais te dire :

« La loi dit que les orphelines doivent épouser des parents proches

et cette loi ordonne à ceux-ci de se marier avec elles.

Moi, je dirai que tu es un parents et j’intenterai un procès contre toi ;

je me présenterai comme l’ami du père de la jeune fille :

nous irons devant les juges, qui est son père,

qui sa mère, comment elle est ta parents, tout cela

je l’inventerai, ce sera profitable et bon pour moi ;

puisque tu ne démentiras rien, je gagnerai à coup sûr.

Le père reviendra : j’aurai des procès en cours. Que m’importe ?

La fille, elle, sera à nous. »

DAVE : Drôle d’audace !

GETA : Il a persuadé l’homme : cela a été fait. Il est venu, nous sommes vaincus,

il l’a épousée.

DAVE : Qu’est-ce que tu racontes ?

GETA : Ce que tu entends.

DAVE : O Geta, qu’est-ce qui va t’arriver ?

GETA : Je ne sais pas, par Hercule, je sais une chose :

ce que le hasard apportera, nous le supporterons sereinement.

DAVE : Ça me plaît ! Voilà ce qu’est le devoir d’un homme.

GETA : C’est en moi qu’est mon espoir.

DAVE : Félicitations.

GETA : Je crois que je dois aller voir un intercesseur, qui en ma faveur

plaidera ainsi : « Maintenant, je t’en prie, oublie-le ; si après cela,

tu recommences, je n’intercède pas. » C’est tout juste

s’il n’ajoute pas : « Quand je partirai là-bas, tue-le même. »

DAVE : Qu’en est-il du pédagogue, celui de la joueuse de cithare ?

Comment vont les affaires ?

GETA : Ca va, difficilement.

DAVE : Il n’a peut-être pas beaucoup

à donner.

GETA : Effectivement : rien, si ce n’est du pur espoir.

DAVE : Son père est déjà revenu, ou non ?

GETA : Pas encore.

DAVE : Tiens ? Votre vieux maître

quand l’attendez-vous ?

GETA : Je ne suis pas sûr,

j’ai entendu, il y a peu, qu’il avait envoyé une lettre

et qu’elle avait été remise aux douaniers : je vais la chercher.

DAVUS : Est-ce que, Geta, tu me veux autre chose ?

GETA : Juste que tu ailles bien.

Hélas, mon garçon. N’y a-t-il personne qui s’approche ? Prends, donne ça à Dorcium.

SCENE 3

ANTIPHON : Est-ce là que les choses en sont : celui qui me veut le plus de bien, Phaedria, mon père, est pour un objet de crainte, quand je pense à son retour.

Si je n’avais pas été bête, je l’attendrais comme il faut.

PHAEDRIA : Qu’est-ce qu’il y a ?

ANTIPHON : Tu me le demandes, toi qui est complice dans cette entreprise si audacieuse ?

Si seulement il n’y avait pas eu dans l’esprit de Phormion de me persuader de cela,

et ne m’avait pas poussé dans mon désir qui est l’origine de mon malheur !

Je ne l’aurais pas possédée : alors ces quelques jours m’auraient été pénibles,

mais ce souci quotidien n’angoisserait pas mon esprit…

PHAEDRIA : J’écoute.

ANTIPHON : Pendant que j’attends l’arrivée imminente de celui qui enlèvera cette routine.

PHAEDRIA : C’est parce qu’il manque aux autres ce qu’ils aiment que c’est douloureux ; toi,

c’est parce que tu l’as trop que tu souffres.

Tu débordes d’amour, Antiphon,

car ta vie, par Hercule, est vraiment souhaitable et enviable.

Pourvu que les dieux m’aiment bien pour que je puisse jouir si longtemps de ce que j’aime,

déjà j’accepte de payer par ma mort. Toi, juge du reste,

de ce que, moi, je prends de ma pauvreté et, toi, de ton abondance,

pour ne pas ajouter que, sans payer un sous, tu as trouvé une fille bien,

que tu as, comment tu l’as voulu, une épouse de bonne réputation, notablement :

heureux, s’il te manque une chose, l’esprit qui supporte cela avec modération.

Si tu avais affaire au marchand d’esclaves auquel j’ai eu affaire, tu le sentirais.

Ainsi sommes nous presque tous : jamais contents de ce que nous avons.

ANTIPHON : Mais pour moi maintenant au contraire c’est toi qui sembles heureux, Phédria,

toi qui a entièrement le pouvoir de prendre de décider de que tu veux :

garder, aimer, laisser partir ; moi je suis tombé, malheureux, dans cette situation

qu’il ne me reste la possibilité ni de quitter, ni de garder.

Mais qu’est-ce que c’est ? Est-ce mon Geta que je vois arriver en courant ?

C’est lui en personne. Malheureux, je crains ce qu’il m’annoncera.

SCENE IV

GETA : C’en est fini, Geta, si tu ne trouves pas rapidement une idée,

ça te prend tellement au dépourvu, ces grands malheurs qui te menacent !

Je ne sais comme les éviter ni comment m’en sortir,

si on ne s’en sort pas par une ruse, on ne donnera pas cher de moi ou de mon maître ;

car il n’est pas possible de taire plus longtemps notre audace.

ANTIPHON : Pourquoi vient-il là bouleversé ?

GETA : C’est le moment pour moi de régler cette affaire : mon maître est là.

ANTIPHON : Quel est ce malheur ?

GETA : Quand il saura, quel remède trouverai-je à sa colère ?

Dois-je parler ? Ce serait allumer un feu. Dois-je me taire ? Ce serait l’énerver. Dois-je

m’excuser ? Ce serait laver des briques1.

GETA : Quel malheur ! Outre que je craigne pour moi, Antiphon me tourmente l’esprit :

j’ai pitié de lui, c’est pour lui que j’ai peur, c’est lui qui me retient : car sans lui,

j’aurais pris ma revanche et puni la colère du vieux :

j’aurais fait mes bagages et je serais parti de là sur mes pieds.

ANTIPHON : Quelle fuite ou quel larcin prépare-t-il ?

GETA : Mais où trouver Antiphon ? Dans quelle rue aller le chercher ?

PHAEDRIA : Il t’appelle.

ANTIPHON : Je ne sais quel grand malheur attendre de ce messager ?

PHAEDRIA : Ah ! Perds-tu la tête ?

GETA : Je vais rentrer à la maison, c’est là qu’il est le plus souvent.

PHAEDRIA : Rappelons-le !

ANTIPHON : Arrête-toi maintenant.

GETA : Hein, tu es assez directif qui que tu sois.

ANTIPHON : Geta.

GETA : Il est là celui que je cherche.

ANTIPHON : Je t’en prie, quelle nouvelle apportes-tu ? Explique en un mot si tu peux !

GETA : Je vais le faire.

ANTIPHON : Parle.

GETA : Tout à l’heure, au port.

ANTIPHON : Est-ce mon…

GETA : Tu as compris ?

ANTIPHON : Je suis mort.

PHAEDRIA : Hein.

ANTIPHON : Que faire ?

PHAEDRIA : De quoi parles-tu ?

GETA : J’ai vu son père, qui est ton oncle.

ANTIPHON : Quelle solution trouver à ce malheur soudain ?

Moi, malheureux, si le sort doit me séparer de toi, Phanium,

je n’ai plus rien à attendre de la vie.

GETA : Alors, les choses sont ainsi, Antiphon,

voilà une autre raison de rester vigilant : la fortune aide les forts.

ANTIPHON : Je perds la tête.

GETA : Pourtant il est nécessaire que tu l’aies entièrement, maintenant, Antiphon,

car si ton père te sent apeuré, il pensera que tu es coupable.

PHAEDRIA : C’est vrai.

ANTIPHON : Je ne peux pas changer.

GETA : Que ferais-tu si tu devais faire quelque chose de plus pénible ?

ANTIPHON : Je ne peux pas faire ça, je pourrais encore faire l’autre.

GETA : C’est rien, Phaedria, c’est fini.

Pourquoi perdons-nous notre temps ? Pourquoi ne pas partir ?

PHAEDRIA : Et moi aussi ?

ANTIPHON : Oui, et si je faisais semblant ? C’est assez ?

GETA : Tu rigoles.

ANTIPHON : Regardez cette expression : hein, n’est-ce pas assez ?

GETA : Non.

ANTIPHON : Et là ?

GETA : Presque.

ANTIPHON : Et maintenant ?

GETA : C’est bien :

tiens, garde celle-ci : et mot pour mot, du tac au tac, réponds,

afin que, en colère, il ne te brise pas par des paroles cruelles.

ANTIPHON : Je sais.

GETA : Tu as été forcé, par la force, contre ton gré.

ANTIPHON : Par la loi, par un jugement.

GETA : Tu le tiens ?

qui est ce vieillard que je vois au bout de la rue ? C’est bien lui.

ANTIPHON : Je ne peux pas me trouver ici.

GETA : Ah, que fais-tu ? Où pars-tu, Antiphon ?

Reste, te dis-je.

ANTIPHON : Moi, je me connais et ma faute aussi.

Je vous recommande Phanium et ma vie.

PHAEDRIA : Geta, que va-t-il se passer maintenant ?

GETA : Toi, déjà, tu entendras une sentence ;

Moi, pendu, je serai frappé, si je ne trompe pas.

Mais ce que nous recommandions, ici, tantôt, à Antiphon,

nous devrions le faire nous-mêmes, Phaedria.

 

Notes

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